Mes copains, ce blog n’avait pas la vocation d’un canard politique, et ça n’a pas changé. Mais aujourd’hui, plus qu’un autre jour, vous voulais parler à vous Belges, lecteurs de ces pensées, mais aussi aux autres, que vous veniez de France, du Sénégal, du Canada, de Suisse, des Etats-Unis, de Bolivie, du Maroc, d’Espagne, du Royaume-Uni, de Grèce, d’Allemagne, des Pays-Bas, de Mauritanie, de Singapour, de Martinique, d’Algérie ou du Nigéria. Oui, je me suis basé sur les statistiques du site pour citer ces pays, je m’en étonne moi-même et me demande qui m’a lu en Grèce, où je n’ai pas le moindre contact. Merci de répondre à cette question, à l’occasion. Bref, je voulais vous conter une vieille fable. Enfin, pas si vieille, elle n’a que 183 ans. Cette fable est celle du coq et du lion. Pour vous la conter, je m’accompagne de Ginette, bière bio brassée à Binche. Je suis sûr que sa présence excusera certaines de mes divagations.
En 1830 est né un petit pays, la Belgique, België, Belgien. Enfin, pas si petit que ça. Bien qu’à peine perceptible sur une carte du monde, on peut quand même le classer 97ème sur 237 pays, si on fait un classement décroissant de la superficie de tous les pays au monde. Mais saviez-vous que si on faisait une autoroute pour traverser la Gambie, il ne faudrait qu’une demi-heure pour traverser ce petit pays au coeur du Sénégal ? Et saviez-vous qu’en Irlande, on ne peut pas se trouver à plus de 100 kilomètres de la mer, à aucun endroit du pays ? La Belgique n’est pas si petite que ça, quand on y pense. Cette histoire commence donc avec une révolution, comme souvent commencent les histoires des nations (quel beau mot, n’est-ce pas ?) 1830, les futurs Belgiens, pas contents, mettent à bas Guillaume Ier, mon homologue, pour créer une nouvelle royauté. C’est un gros raccourci historique, mais c’est à peu près ça. Arrive un joli roi tout neuf, anglo-saxon pourquoi pas, j’ai nommé monsieur Léopold Ier. J’invite tout le monde à aller reluquer la statue à son effigie qui sied à La Panne, qui est le premier pan de Belgique que ce futur roi a vu en débarquant d’Angleterre, après un long voyage depuis Calais. Long pour l’époque, entendons-nous bien. Depuis, six rois ont succédé à ce premier. Léopold II, Albert Ier, Léopold III, Baudouin, Albert II et enfin notre tout récent et fraîchement acquis Philippe. Et cette bande de lascars, après 183 années de règne cumulées à eux sept n’ont toujours pas réussi à résoudre le plus ridicule des problèmes qui soit, celui qui nous a valu de passer 541 jours « sans gouvernement », comme diront les médias pour simplifier. Une crise politique basée un séparatisme entre Nord et Sud, Flamands et Wallons, Lion et Coq. Et au milieu restent les poulets pour caqueter.
Je suis perplexe. Je suis relativement patriotique, relativement car je connais mieux la Marseillaise que la Brabançonne (la faute à Gainsbourg). Je reste fier de venir du Plat Pays, je dis septante et nonante quand je suis en France, mais je me demande encore pourquoi. Je me demande pourquoi je serai fier de venir d’un pays qui a battu les records mondiaux en terme de crise politique au point de se faire surveiller par Washington alors qu’il est l’un des fondateurs de l’Union Européenne. Aucun rapport avec la choucroute, je sais. Et oui, pendant tout un temps, les discussions avec les copains venus d’au-delà des autres frontières ne tournaient qu’autour de cela : « Et comment ça va, sans gouvernement ? » Il y a encore quelques semaines en Espagne, on m’en a parlé. L’année d’avant, en Ecosse, on m’a demandé si on s’était enfin décidé à se séparer. Comme si notre pays souffrait d’un long divorce qui ne voudrait pas trouver de point d’entente.
Et pourtant nous en sommes là, à avoir une hymne nationale aussi ridicule que la situation. L’union fait la force. À d’autres, tu veux ? Quand je vois que les fonctionnaires flamands à La Panne, commune où j’ai habité un an, refusaient se me parler Français, parce que : « Hier, bent u in Vlanderen, meneer, moet u spreken Vlaamse. » Ou encore que le Néerlandais passe comme langue tertiaire en Wallonie : « parce que de toute façon, ils parlent tous Français. » J’ai envie de me pisser dessus, de rire ou de peur, de ridicule ou de désespoir, va savoir, mais de voir que des personnes au sein d’un même pays, d’une même origine, issus d’une même révolution, ne sachent même pas s’entendre entre eux à cause d’une putain de querelle linguistique, il y a de quoi se pisser dessus, quelle qu’en soit la raison.
Et oui, tout cela ne naît que d’images toutes faites et de querelle linguistique. Le Wallon est paresseux et le Flamand est radin. Et oui, j’ai vu des cheminots wallons passer leur journée au café et des clients flamands laisser 20 centimes de pourboire sur des additions de 500€. Mais emmerdons les préceptes si vous voulez bien et attardons-nous sur le fond. Car le bon fond n’est pas fait de reproches, il est fait de personnes libres de faire des choix et de vivre dans une royauté stable, c’est tout ce qu’on demande au final, non ?
Epiloguer sur le pour et contre politique, économique et social entre Nord et Sud (on oublie toujours ces 20 000 germanophones à l’Est), ça ne sert à rien. Jacques Brel en parlait déjà en son temps, il a dû expirer une dernière fois sans voir son pays se réconcilier. Sans le voir tout court, d’ailleurs. Alors si pour les 856 lecteurs belges de ce blog ce pays a un sens… arrêtez les frais à petite échelle ! Rien ne sert d’en dire plus, je sais que vous m’aurez compris. Pour les autres, ces paroles auront autant de sens qu’un poème de Breton, mais inspirez-vous en. Parce que dans l’état actuel de la terre qui m’a vu naître et téter, j’ai envie de rester où je suis.
La fable du coq et du lion n’est pas finie, à vous de voir si vous serez fiers la morale ou si elle vous laissera un goût amer en bouche.
Les compliments du gamin, il m’a aidé sur ce coup-là,
Garito.
PS : la petite cuite créative passée, je me relis en cette belle matinée. Ça doit être le film d’hier, Hasta La Vista, qui m’a lancé. Diantre, je me sens fichtrement patriotique d’un coup ! Juste pour le fun, je vous le laisse.